La France décline dans les échanges mondiaux de blé dur
Avec une production en recul depuis plusieurs années, la France se fait moins présente à l’exportation, ce qui a des conséquences sur le marché intérieur.
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La part de marché de l’Union européenne (UE) dans les échanges mondiaux de blé dur a atteint un niveau historiquement bas au cours de la campagne de 2023-2024 : 6 %, contre 16 % en 2021-2022, selon Arvalis (1). Cette décrue rapide n’a guère de chance de s’enrayer puisque d’après les prévisions de 2024-2025, la part de l’UE devrait à nouveau plafonner à 6 %. « Cette perte de vitesse provient notamment de la France qui représentait il y a encore quelques années 30 % des exportations européennes », a expliqué Yannick Carel, ingénieur chez Arvalis, lors du colloque blé dur, le 6 février, à Aix-en-Provence. La faute à une succession de petites récoltes. Depuis trois ans, la production de blé dur tricolore est en effet inférieure à 1,5 million de tonnes (Mt). En 2024, elle a fléchi à 1,2 Mt, un seuil jamais atteint depuis le début du siècle. Cette diminution s’explique par le déclin des surfaces consacrées à la céréale : elles ont été divisées par deux au cours des 15 dernières années pour s’établir à 240 000 ha en 2024. Et les professionnels s’attendent à une nouvelle baisse cette année, autour de 200 000 ha. « La moitié de la récolte française servant à alimenter le marché domestique, les quantités expédiées diminuent inexorablement, explique Yannick Carel. Seulement 600 000 tonnes seront commercialisées en dehors des frontières de l’Hexagone sur la campagne de 2024-2025. Sachant que nos voisins absorbent une bonne partie de ces volumes, la France est de moins en moins présente vers les pays tiers. »
Manque de lisibilité sur les marchés
Ce retrait n’est pas sans conséquence sur la filière. « Moins il y a de quantités, plus il devient difficile d’avoir des blés durs de bonne qualité, constate Patrick Jouannic, chargé du commerce du blé dur de Soufflet by Invivo. En 2024, nous avons dû opérer de nombreux ajustements pour avoir les qualités requises. Ces aléas ont aussi des impacts sur le fonctionnement de nos usines. Pour ces raisons, nous construisons de plus en plus des partenariats avec l’amont pour sortir de cette logique de marché. » Reste que cette situation a aussi des répercussions sur la lisibilité de l’offre et la demande. « Lorsqu’une filière exporte moins, elle se déconnecte de ce qui se passe sur les places étrangères et il devient plus difficile d’avoir une vue sur les cotations, souligne Yannick Carel. C’est d’ailleurs ce qui se passe aujourd’hui pour le blé dur. » Parallèlement, d’autres mouvements se dessinent sur la scène internationale. Absente des flux, la Turquie a fait une entrée remarquée au cours de la campagne de 2023-2024 pour peser 18 % des échanges mondiaux et 10 % cette année. « Ce pays devient autosuffisant, observe Charles Neron Bancel, directeur des achats aux filières de l’amont du groupe Panzani. Il devient un sérieux compétiteur. Actuellement, 60 % des pâtes consommées en France sont fabriquées avec du blé dur d’importation. La production française déclinant, cette concurrence va s’intensifier. » La Russie, tenue à distance par les mesures de rétorsions européennes à son encontre, est aussi en embuscade avec des surfaces en progression.
(1) d’après les données Stratégie Grains by Expana.
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